C. Bouchinet-Serreulles dirigea notamment les Ateliers de construction Lavalette, la Financière des Caraïbes et la Société d’exploitation de produits industriels (SEPI).
Le parcours de Claude Bouchinet-Serreulles, profondément marqué par la Seconde Guerre mondiale, en éclaire plusieurs thématiques : l'engagement dans la France libre et la Résistance, les relations internationales dans l'immédiat après-guerre, la reconstruction économique et industrielle et la mémoire des années 1939-1945.
Né le 26 janvier 1912 à Paris dans une famille aisée, Claude Bouchinet-Serreulles effectue ses études au collège Stanislas puis à Sciences-Po. Attaché commercial à l’ambassade de France à Berlin avant-guerre, il est mobilisé en 1939 et affecté comme lieutenant à l'état-major de la Mission française de liaison auprès du Corps expéditionnaire britannique. Il décide dès le 17 juin 1940 de poursuivre le combat et, après avoir été passager du Massilia et avoir rencontré celui qui restera son ami le plus proche, Jacques Bingen, il rejoint Londres dès le mois de juillet 1940. Engagé dans les Forces françaises libres, il entre, grâce à son ancien condisciple du collège Stanislas Geoffroy de Courcel, au cabinet du général de Gaulle, devenant son aide de camp jusqu’en octobre 1942. Rattaché au Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), il est envoyé en mission en France en juin 1943 pour seconder Jean Moulin et échappe de justesse au coup de filet de Caluire du 21 juin 1943.
Claude Bouchinet-Serreulles assure alors l’intérim de Jean Moulin, tentant de poursuivre son œuvre et de maintenir l’unité de la Résistance sous l’égide du général de Gaulle. Rejoint en août 1943 par Jacques Bingen, qui assume avec lui la direction par intérim de la Délégation générale, puis adjoint d’Émile Bollaert lorsque celui-ci est nommé en octobre 1943 à la tête de la Délégation, il est bientôt marginalisé et s’oppose frontalement au colonel Passy, chef du BCRA, et à Pierre Brossolette, qui exploitent “l’affaire de la rue de la Pompe” de septembre 1943 pour réclamer son retour immédiat à Londres : à la suite d’une imprudence, la Gestapo avait arrêté un certain nombre de membres de la Délégation et saisi des archives. Plusieurs fois différé, son retour s’effectue finalement en mars 1944. Il reste alors à Londres plusieurs mois et ne retourne en France qu’après le débarquement, participant comme commissaire de la République au rétablissement des institutions républicaines en France, sans avoir revu son ami Jacques Bingen, arrêté par la Gestapo à Clermont-Ferrand en mai 1944, et qui s’est suicidé plutôt que de parler.
Il reprend en 1945 sa carrière diplomatique interrompue par la guerre. Membre de la délégation française à la Conférence de San Francisco, à l’origine de la création de l’Organisation des Nations unies (ONU), il est en juillet 1946 secrétaire général adjoint de la Conférence de la Paix de Paris, puis entre à l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) où il participe à la bonne marche du Plan Marshall. Quittant l’administration après 1951, il dirige ensuite plusieurs sociétés, notamment les Ateliers de construction Lavalette, la Financière des Caraïbes ou la Société d’exploitation de produits industriels (SEPI). Auteur de nombreux articles et collaborateur régulier du Monde, gaulliste acharné mais de gauche et fervent européen, il fait partie de l’Union démocratique du Travail (UDT) et se montrera jusqu’au bout un farouche soutien du Général. Surtout, il déploie une inlassable activité de défenseur de la mémoire de la Résistance, proposant dès 1954 de transférer les cendres de Jean Moulin au Panthéon, et critiquant sévèrement Henri Frenay pour ses thèses faisant de Rex un crypto-communiste. À la veille de sa mort, il se battait encore pour préserver sa mémoire.
Claude Bouchinet-Serreulles est décédé le 8 décembre 2000 à Neuilly-sur-Seine. Il venait de publier ses Mémoires, Nous étions faits pour être libres.